La pièce d’Ibsen sort de la critique sociale pour laquelle il est connu. C’est à l’inverse un récit épique, parodique, délirant et fantastique, ici servi dans une mise en scène joyeuse et luxuriante. En guise de héros, un jeune fanfaron qui s’engage sur les routes du vaste monde. Il cherche l’amour et les aventures, mais il est incapable autant qu’arrogant. Son périple lui fait croiser les belles Ingrid et Solveig, l’emmène dans la demeure du Roi de la montagne et jusqu’au Maroc. Il n’est pas dit pourtant que même la confrontation à l’étrange, à l’amour et au merveilleux, même une quête initiatique, même les années, même le pouvoir, même une vie toute entière, puissent apprendre quoi que ce soit à celui qui ne veut pas apprendre. La vacuité, le narcissisme et le destin vide de Peer Gynt appartiennent autant au XIXème siècle qu’à notre époque. Car si l’aventurier fantasque n’est pas un héros, il n’est pas non plus un anti-héros. Peut-être simplement un homme ordinaire : courageux mais pas téméraire, ambitieux mais inconstant, moral mais habité par le désir et la cupidité. L’enjeu de Peer Gynt n’est pas le célèbre impératif du Roi de la montagne, « Être soi », mais bien d’apprendre à être au monde. Tout simplement. Qui que l’on soit.