Allan Sekula
fish story
lottery of the sea
Depuis 1972, Allan Sékula développe un travail photographique et filmique sur les conditions de la vie ouvrière. Son travail renouvelle le genre documentaire par l'hétérogénéité singulière de ses prises de vues et l'association de textes qui articulent la théorie au récit historique. Fish Story, le projet qu'il développe en sept étapes depuis plus de 20 ans dans une quantité innombrable de villes côtières, est une analyse minutieuse et nomade des ports et de la marine marchande. A travers ces contextes et les processus qui les traversent, il examine la complexité et les paradoxes de l'évolution du capitalisme avancé.
Il s'attache ainsi à relater les dimensions à la fois politiques, sociales et économiques de ces lieux " qui voient les richesses des nations défiler sous leurs yeux " et confrontent le matérialisme le plus brutal à la virtualité la plus immatérielle (la marchandise et les flux monétaires). Dans le texte associé aux images de la série présentée (Fish Story 1988-1993), il souligne : " Si la bourse est le lieu où prévaut la dimension abstraite de l'argent, le port est celui où les marchandises matérielles se présentent en vrac, dans le flux même des échanges. (‚ ) Plus le mouvement des biens dans les ports est régularisé, véritablement conteneurisé, autrement dit plus il est rationalisé et automatisé, et plus le port ressemble à une bourse (‚ ) Les boîtes, vues d'en haut ont les propositions des billets de banque légèrement allongés (‚ ) les containers sont les cercueils de la main d'ouvre absente "
De même, le film Tsukji (2001) met en scène une confrontation entre les pratiques violente des ouvriers à l'aspect énigmatique de la répétition sérielle et organisée des gestes.
 
C'est donc sur un Quai et dans un container, deux éléments significatifs de son travail, que sont présentés une série de photographies et un film qui font tous deux partie de ce large projet. Pourtant, le Quai n'en porte que le nom et un peu la forme, quant au container, une fois sa fonction disparue, il fait ici office de socle ou de cadre. Vrai-faux quai et vrai-faux container donc (puisque, en plus de cela, le " Tube " est carré), force est de constater qu'il s'agit bien ici d'un espace de représentation.
Un tel contexte de représentation, où les signes sont dissociés des fonctions, fait largement écho à son travail. Car les relations paradoxales entre la volonté de présenter des faits par une approche documentaire et son irréductible facticité est l'un des enjeux central de l'ouvre d'Allan Sekula. Cette complexité est, par ailleurs, un élément constitutif de l'ambition politique de sa démarche : analyser la manière dont le capitalisme soi-disant post-industriel tente de rendre invisible la réalité du travail ouvrier.
Par ailleurs, le film The Lottery of the sea (2001 ‚Äì 2004) sera présenté au cinéma Les 400 coups.
La Loterie de la Mer, tel que le présente Sekula lui-même, prend son titre d'Adam Smith, qui, dans son célèbre¬† Enquête sur de la Richesse de Nations (1776), a comparé la vie du marin au jeu de risque. " D'un port à l'autre, Sekula propose un journal de bord qui parcourt les multiples relations entre les systèmes économiques, idéologiques et politiques depuis le détail le plus précis au contexte global de la mondialisation des échanges et des consciences.