Danse
SFUMATO

Rachid Ouramdane - L'A.

27 Mai. 2014 — 00:00

© Jacques Hoepffner

Tel un portraitiste-chorégraphe, Rachid Ouramdane s'entoure de sept interprètes pour dire avec le corps ce que les mots ne montrent pas. Entre documentaire et métaphores, il évoque une nouvelle forme d'exil.

Pour cette nouvelle création, le chorégraphe s'appuie sur les témoignages des réfugiés climatiques du nord de la Chine, contraints à l'exil suite au recouvrement de leurs territoires par les eaux. Contorsions, équilibres... les sept interprètes repoussent les limites du corps dans une scénographie vaporeuse. Ce spectacle traduit par l'expérience esthétique la réalité géopolitique.

NOTE D'INTENTION
" J'ai repensE À ce voyage au Vietnam que j'avais fait il y a quelques annEes pour Loin.... À ce village nommE Lai-Châu, en passe d'eÃÇtre enseveli par les eaux. J'ai repensE À ces habitants qui, quand on leur parlait de Lai-Châu, demandaient " lequel des deux ? " parce qu'une copie conforme du village Etait en train d'eÃÇtre construite ailleurs pour reloger les gens.
Alors, j'ai pensE À ce que cÃßa signifiait de voir disparaiÃÇtre les choses, disparaiÃÇtre les gens, de partir et d'eÃÇtre sEparE d'un amour. J'ai pensE au film Welcome et À ce rEfugiE kurde qui veut traverser la Manche À la nage. J'ai pensE À Still life qui traite de ces rEgions du monde englouties sous les eaux et d'une histoire d'amour noyEe dedans. J'ai pensE aux rEseaux mafieux et aux passeurs qui font miroiter aux exilEs des lieux plus dEsirables, des " ailleurs " qui, bien souvent, ne sont que fumEe. J'ai pensE, comme cÃßa, À Singin' in the rain et À la magie nouvelle. J'ai pensE À la facÃßon, sur le plateau, de crEer des mirages, de jouer des apparitions et des disparitions.
J'ai pensE À Maguy Marin qui a construit sa pièce Salves sur ce principe rythmique. A Paradiso de RomEo Castelucci avec son dEcor " À la Tarkovski ", animE par les reflets lumineux crEE par un bassin d'eau et qui rEussissait, je trouve, À Evoquer des lieux troubles dont on sent qu'ils ont un jour EtE somptueux mais qui sont aujourd'hui tombEs en dEshErence. J'ai pensE À ce qu'a Ecrit Emmanuel Carrère sur le tsunami dans D'autres vies que la mienne et je me suis souvenu aussi qu'Aldo (Lee), qui Etait avec moi À Lai-Châu et vient de partir en Chine rencontrer des gens directement touchEs par les bouleversements climatiques, Etait lui-meÃÇme au Japon pendant le tsunami de 2011.
J'ai pensE que ce serait beau d'avoir une sorte de pluie tropicale pendant tout le spectacle. J'ai pensE À Dominique Pitoiset qui a travaillE pour Le maiÃÇtre des marionnettes autour de cette tradition vietnamienne de la marionnette sur eau, ouÃÄ les figures peuvent disparaiÃÇtre dans l'ElEment. À cette noyade À laquelle j'ai EchappE quand j'Etais enfant et au fait d'avoir EprouvE physiquement le potentiel destructeur de l'eau. À un exercice de danse buto qui propose de se dEplacer comme si le corps Etait plongE dans une piscine et qu'aucune onde ne devait troubler la surface. J'ai pensE aussi À Northfork, un film assez mainstream sur une histoire d'inondation qui montre bien, cependant, les rEpercussions jusqu'au plus profond de l'intime. Et puis À l'illusion. Pas À de grands tours de magie, mais aux facÃßons plus sourdes de leurrer les gens. Après, j'ai pensE À ce qu'il resterait de tout ce vrac À la fin. Des traces, suÃÇrement. Un mot que j'aime bien. "
Rachid Ouramdane, propos recueillis en janvier 2012.

RACHID OURAMDANE
Dès l'obtention de son diploÃÇme au Centre national de danse contemporaine d'Angers, Rachid Ouramdane se lance dans une carrière de chorEgraphe et interprète. En 1996, il co-fonde avec Julie Nioche, la compagnie Fin novembre, et crEe plus tard, en 2007, sa propre compagnie : L'A. Après son solo Les morts pudiques (2004), Rachid Ouramdane part dans le nord-est du BrEsil crEer Cover (2005). Pour Loin... (2008), il part en ex-Indochine sur les traces de son histoire familiale, et retourne au BrEsil pour la prEparation Des tEmoins ordinaires (2009). Parallèlement À ces sEjours À l'Etranger, Rachid Ouramdane privilEgie les longues pEriodes d'implantation sur un meÃÇme territoire. En tEmoignent les rEsidences qu'il a multipliEes depuis le dEbut de son parcours (il est associE au Manège de Reims de 2000 À 2004, À la MEnagerie de Verre - Paris de 2005 À 2007, au ThEâtre 2 Gennevilliers de 2007 À 2010, etc.). Il rEpond Egalement de manière enthousiaste À de nombreuses commandes : Superstars (2006) est crEEe pour le Ballet de l'OpEra de Lyon, Borscheviks... une histoire vraie... (2010), pour les danseurs de la compagnie russe Migrazia et Looking back (2011), pour les vingt ans de Candoco Dance Company. En dehors de ses projets artistiques, Rachid Ouramdane est investi À l'international dans une activitE consEquente de transmission et de rencontre (workshops, confErences, ateliers de recherches).

Ce spectacle est présenté dans le cadre du réseau européen IMAGINE 2020 - ART & CHANGEMENT CLIMATIQUE , avec le soutien de l'Union Européenne.