Danse
MANTA

Héla Fattoumi et Eric Lamoureux

18 Jan. ► 19 Jan. 2011

Héla Fattoumi, en se voilant, montre beaucoup plus qu'elle ne cache. La danseuse et chorégraphe française d'origine tunisienne éprouve, avec ce solo, fabuleux geste chorégraphique, l'expérience physique et symbolique du hijab. Et la partage, saisissante.

Il vaut mieux le préciser : la création de la pièce Manta, par la paire de chorégraphes Héla Fattoumi et éric Lamoureux, a largement précédé le déclanchement du débat sur le port de la burqa. Cette pièce pose un acte intégralement artistique, si prégnantes en soient les résonances politiques et sociales. Héla Fattoumi fait partie de ces femmes arabes fières de s'être émancipées des pesanteurs de la tradition. Mais comme artiste, physiquement troublée au seul fait de croiser une femme intégralement voilée, il lui fallait effectuer l'expérience sensible du port du hijab. Sur elle-même. Le paradoxe de Manta est donc vertigineux. Il s'agit de faire spectacle, d'offrir au regard le port d'un costume dont l'objet est justement de dérober l'être au regard. L'animant de pareille intention, la danseuse en décline une gamme fascinante, troublante, inquiétante, de contraintes physiques, constructions symboliques et détournements imaginaires. Ainsi Manta nous fait passer sous le voile. Et dépasser un jeu trop simple d'apparences tissées d'ignorance. Du hijab pratiqué et retourné en arme contre lui-même.