Quand on interroge les jeunes Anglais sur leur musique, ils la qualifient volontiers de « musique électronique sur instruments acoustiques ». Et il est vrai que si l’étiquette jazz est une évidence à l’écoute de leurs albums, on pourra croiser les influences d’artistes tels que Steve Reich ou Aphex Twin dans leurs compositions qui s’affranchissent des cases trop étriquées pour ce trio aventureux. Ce paradoxe gagnant se retrouve dans l’évidence avec laquelle ils arrivent à faire cohabiter une section rythmique dense et emmenée avec un piano dont les mélodies virtuoses semblent emprunter autant à la pop qu’à la musique minimaliste américaine. Cette alchimie entre Chris Illingworth (piano), Nick Blacka (basse) et Rob Turner (batterie) vient probablement du fait qu’ils se considèrent d’avantage comme un groupe symbiotique que comme un trio composé de solistes. Après la nomination aux Mercury Awards grâce à leur deuxième album v2.0, ils affinent leur propos avec Man Made Object sorti cette année sur le label Blue Note. Un disque composé sur ordinateur, puis enregistré avec les instruments acoustiques des trois prodiges. Sans perdre une once de leur caractère profondément mélodique, les morceaux ont requis à la fois technique, pour reproduire des rythmiques complexes créées sur logiciels, et inventivité, pour transposer un son synthétique à l’aide de sopalin sur les cordes de piano. Sur scène les titres se déploient avec puissance et virtuosité en conciliant exigence jazz, énergie rock et émotion pop.