théâtre
DESC #1 – La véritable histoire de la Gorgone Méduse ou comment tuer un visage

De Béatrice Bienville - mise en scène Laurent Brethome

05 Juin ► 10 Juin 2021


samedi 5 juin 2021 à 16H

Cérémonie suivie du spectacle

Gratuit sur réservation

Département des Écritures pour la Scène Contemporaine

Un jury populaire de 100 lectrices et lecteurs du Maine-et-Loire a eu pour mission de sélectionner le texte qui est ici à l’honneur sous différentes formes : un spectacle, une remise de prix et le lancement d’une nouvelle édition [Réouverture de la librairie du Quai pour l’occasion !].

Cette soirée de dévoilement est l’aboutissement d’une aventure inédite démarrée en avril 2020 mettant à l’honneur le théâtre contemporain et le territoire.

Initié par Thomas Jolly et Damien Gabriac, le DESC – Département des Écritures pour la Scène Contemporaine – a pour objectif de mettre en oeuvre et en lumière des textes dramatiques inédits activant tous les possibles de la machinerie théâtrale. Le DESC convoque les projections sans borne des autrices & auteurs de notre temps, les déploiements de fables haletantes, politiques, fantastiques, tragiques, comiques, mélodramatiques ou mieux encore, tous ces genres mêlés ! Il convie les épopées du passé, du présent ou de l’avenir aux multiples personnages et décors, aux rebondissements imprévisibles. En février 2021, le Quai CDN lance son deuxième appel DESC aux lectrices & lecteurs et autrices & auteurs, sous la thématique : « Je suis fatiguée d’être traitée comme une citoyenne de seconde zone. » Rosa Parks

Un nouvel appel à 100 lectrices & lecteurs du Maine-et-Loire pour constituer le bureau du Desc#2 a ainsi été lancé.

La mission de ce bureau est de participer à la sélection d’un texte inédit qui sera mis en scène à l’hiver 2021 au Quai CDN Angers et édité dans la collection du Quai.

 

TEXTES FINALISTES DE CE PREMIER APPEL :
Nuit, ma liberté ! de Clio Van de Walle
Surexpositions (Patrick Dewaere) de Marion Aubert / édité chez Actes Sud Papiers, en vente à la librairie du Quai
New Haven de Bastien Guiraudou
Reprendre de René Georges et Mahamadou Tindano
 

TEXTE LAURÉAT 
La véritable histoire de la Gorgone Méduse ou comment tuer un visage 
Béatrice Bienville

Méduse est une jeune femme, fille du roi Phorcys. Elle rencontre le dieu Poséidon lors d’une fête en son honneur. Alors qu’elle est en train de prier dans le temple d’Athéna, il la viole.
Elle choisit de ne pas se taire.
Entremêlée au récit mythologique, on suit l’errance de Léo, une jeune femme d’aujourd’hui qui cherche un visage qu’elle a croisé une fois et dont le regard l’a pétrifiée.


Béatrice Bienville est autrice de théâtre.
En 2012, lauréate du concours d’écriture théâtrale des jeunes de la Caraïbe, elle quitte la Guadeloupe pour ses études. Après une classe préparatoire littéraire et une licence de philosophie, elle intègre le département Écrivain.e.s Dramaturges de l’ENSATT (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) dont elle sort diplômée en 2018.

Elle entre alors à l’Académie de la Comédie Française comme élève metteuse en scène/dramaturge pour la saison 2018/2019, où elle participe au Bureau des lecteurs, est assistante sur deux projets, met en lectures trois pièces, et met en scène Maladie de la Jeunesse de Bruckner avec sa promotion. 

Comme autrice, elle a écrit des solos pour des comédiennes et pour deux marionnettistes de l’ESNAM (École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnettes), et des pièces comme Odyssée Méditerranée (Festival En Acte(s) 2017, mise en scène par Alex Crestey au théâtre de l’Elysée), K.O. (résidence Draméducation en Pologne, jouée aux festivals 10/10 de Pologne, Tunisie, Sénégal et à Avignon avec les Scènes Appartagées),Thomas et Judith (commande d’écriture de la Comédie de Valence, mise en scène par Alex Crestey).

La véritable histoire de la Gorgone Méduse, est le texte lauréat du DESC Appel #1 Idole.s.

« La véritable histoire de la Gorgone Méduse, c’est l’histoire d’une jeune femme, qui veut aller danser, et puis ça finit mal. Une histoire de dieux, de mortelles, de monstres mythologiques et de héros virils et bavards. Mais c’est aussi l’histoire d’une femme qui ne se tait pas, dont la rage brûle. Une histoire de sœurs, une histoire de reine, de révolte, de parole, de regard qui brûle et de froid dans le ventre. Une histoire mythique, une histoire de maintenant.

Qui est le monstre dans les histoires qu’on se raconte, et pourquoi ?

J’ai travaillé sur ce mythe en partant d’un passage d’Italo Calvino dans Leçons Américaines, qui établit une métaphore entre le regard de la Méduse et le regard du réel, qui nous pétrifie tous les deux. Il considère que la fiction est comme le bouclier de Persée, qui nous permet de regarder le réel et d’en parler sans se laisser sidérer par celui-ci.

Je redécouvre alors le mythe de Méduse, et suis frappée par son injustice, mais aussi parce qu’il cristallise, par ses échos, très fort sur ce qui nous agite toujours aujourd’hui : l’impunité des hommes puissants, les rapports de domination, les violences faites aux femmes.

J’ai eu envie d’écrire des personnages féminins puissants, complexes, des rôles à grands souffles pour les comédiennes, pour toutes les femmes. J’ai envie d’interroger la place des récits et des histoires, arme de domination des imaginaires comme de révolte. »
Béatrice Bienville

 

Note d’intention de Laurent Brethome, metteur en scène
Dans la folle contrainte de devoir créer et proposer un objet artistique autour d’une œuvre que je n’ai pas choisie, il y a d’abord eu pour moi la première nuit blanche de la découverte du texte lauréat en octobre 2020. Après trois lectures successives et un enchantement immense autour d’une fresque théâtrale insensée, je décidais de plonger corps et âme au service d’une œuvre dont la jeunesse était inversement proportionnelle à sa grandeur.

Dans les folles nuits sans sommeil d’une première résidence - qui nous contraignait d’arrêter nos répétitions à 17h40 pour cause de couvre-feu en mars 2021 - j’avais conscience qu’avec la troupe permanente du Quai, les élèves de la classe COP d’Angers, Clémence Boissé, toutes les équipes techniques du CDN et ma précieuse collaboratrice Clémence Labatut, nous étions en train d’affronter, et de frayer chemin avec une grand œuvre de théâtre qui traversera le temps plus que nos propres vies. 

Dans les dernières nuits blanches d’un début de mois de juin où le monde nous donnait de nouveau le droit de respirer avec moins de contraintes, je comprenais que nous avions pris le bon chemin en créant, pour cette pièce quasiment cinématographique, une porosité entre les deux temporalités : la mythologie et le moment présent.

L’histoire de cette pièce, c’est celle des femmes dont la parole est trop souvent remise en question, c’est l’histoire d’un monde patriarcal et machiste qui, à l’image du monde des dieux, n’est malheureusement jamais remis en cause. Cette histoire est une fresque immense où on aurait pu croire qu’un plateau n’était pas suffisant pour voyager d’un monde à un autre univers.

Nous ne pouvions nous contenter avec les équipes d’en faire une simple lecture améliorée et il fallait pour être à l’égal de la prise de risque en écriture, nous-mêmes nous mettre à nu pour en proposer l’œuvre scénique la plus aboutie qui soit malgré toutes les contraintes de temps et d’espace. Ce que vous verrez ce soir est un geste artistique collectif d’un peu plus de deux semaines de répétitions où chacune et chacun apporte sa pierre à l’édifice de la mise en abîme d’un texte qui j’espère consacrera une des grandes autrices à venir de notre génération.